dimanche 13 avril 2014

Feuilleton: Le 135ème Régiment d'Infanterie dans la guerre 1914-1918. La bataille de la Marne



La bataille de la Marne

6 au 14 septembre 1914
Au cœur de la bataille

En ce 6 septembre 1914, le contexte est encore celui d’une guerre de mouvements et si, sur le grand échiquier de la guerre, la reine des batailles est l’infanterie, un régiment n’est qu’un pion que les généraux peuvent sacrifier sans hésitation. Les Etats-majors apprennent sur le tas. Les instructeurs sont allemands. Ils enseignent que l’artillerie est toute puissante pour broyer les pions et que les mitrailleuses sont très utiles pour parachever le travail.
L’expression « marche ou crève » n’a pas encore été inventée, c’est plutôt « rampe ou meurt ».
Joffre estime que la première phase de regroupement de ses forces est accomplie. Il a repéré les points de faiblesse de l’avancée allemande et notamment ce flanc droit offert à une attaque de la VIème armée de Maunoury. Les célèbres taxis sont déjà rassemblés aux Invalides et transporteront une division entière dans ce secteur.
Il est bien évident que nos trois compagnons ne savent rien de tout cela. Tout ce qu’ils savent c’est que les marais de St-Gond sont dans leur dos et que l’ennemi est devant eux. La situation n’est pas vraiment confortable.  
En face, ce ne sont pas des enfants de cœur. Ce sont des prussiens de la 1ère Division de la Garde, une troupe aguerrie.
Le 135ème Régiment d’Infanterie couvre un front allant de Toulon-la-Montagne à Morains-le-Petit. A 5H00, ces prussiens attaquent. Ils arrivent de l’ouest du dispositif, plus exactement de Congy et profitent du lit du ruisseau de Cubersault pour contourner le 2ème bataillon. Le régiment est contraint de se replier. Cela veut dire qu’il doit emprunter une des chaussées qui traversent le marais du nord vers le sud. Il arrive à Bannes à 11h00.
L’ordre est donné de reprendre Toulon-la-Montagne avec le 77ème Régiment d’Infanterie. Il ne pourra pas être exécuté. Une pluie d’obus s’abat sur les deux unités, rassemblées au sud de Bannes. Elles n’ont pas d’autre solution que de se replier plus au sud sur les pentes du mont Août.
Douze officiers et 654 hommes sont portés manquants. Parmi les officiers, on compte le lieutenant Pierre André de Bazelaire, mort de ses blessures.
Parmi nos camarades du village de Daumeray, le soldat Victor Berthe est tombé à Vert-la-Gravelle. Il est le premier tué de ce village, il ne sera pas le dernier.
La journée du 7 septembre va se passer en ordres  et contre ordres. Le soir venu la brigade sera toujours adossée aux pentes du mont Août.
Ils sont à la veille d’une victoire décisive mais ne le savent pas. Les deux régiments frères, le 77ème R.I. et le 135ème R.I. sont au plein centre de l’offensive décidée par Joffre.
« Une troupe qui ne peut plus avancer, devra, coûte sue coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer » Joffre 5 septembre 1914.
Les combats les maintiendront dans ce secteur des marais de St-Gond jusqu’au 11 septembre. Le régiment subira encore des pertes, notamment le 9 septembre, jour où le chef de corps, le Lieutenant-colonel GRAUX est blessé et fait prisonnier avec son adjoint, le capitaine Pons. Le colonel  parviendra à s’évader mais le capitaine était mort de ses blessures. Le même jour, le commandant Noblet est tué ainsi que de nombreux officiers. Le régiment devra reculer jusqu’à Linthes. Pour bien se rendre compte de l’étendue des pertes, il faut savoir que l’officier qui commande le régiment, en cette soirée du 9 septembre, est le capitaine Sanceret, 3éme bataillon, 12ème compagnie.
Comment ces fantassins harassés pourraient-ils imaginer que dans quelques jours, ils auront parcouru le chemin inverse de cette longue retraite et repoussé les Allemands jusqu’au delà de la Vesle ? La chaleur est accablante mais, ils n’ont plus une goutte d’eau et n’ont pas mangé depuis deux jours.
Un sentiment de solitude, l’impression que toutes les forces ennemies sont rassemblées devant vous et que, manque de chance, il vous incombe de sauver le monde pendant que les autres régiments vont à la soupe.
Leur chef est le général Foch, un inconnu. Son armée se heurte à celle de Bülow.  Un peu plus à gauche, Kluck  s’est tourné vers Maunoury créant ainsi une sorte de brèche entre Château-Thierry et Monmirail. Franchey-d’Esperay s’y porte aves les forces anglaises.
Le 9 septembre, journée éprouvante pour le régiment, Bülow recule enfin et Kluck décide de rompre le combat.
Une sorte de boulevard s’ouvre devant les divisions françaises. Le scénario est totalement inversé. L’artillerie précède les régiments, pilonne les forces ennemies puis les fantassins s’avancent. Oh, c’est plus facile à écrire qu’à réaliser et des hommes tombent de part et d’autre mais, Joffre a gagné. Il a réussi à enrayer cette ruée vers Paris qui avait fait fuir le gouvernement.
« Le 11 septembre, Joffre télégraphie au gouvernement « victoire incontestable ». Cette victoire ne pourra pas être exploitée comme il conviendrait. Joffre n’a plus aucune réserve. Les troupes sont épuisées. Les Allemands se retranchent sur une ligne Noyon-Soissons-Craonne quasi inexpugnable. Il faudra quatre années pour les en déloger.
Le 135ème régiment d’Infanterie a accompagné ce grand mouvement du 9 au 13 septembre. Il est repassé sur ses traces à Voipreux, Rouffy, Champigneul, Jalons. Il a franchi la Marne le 12 septembre, à Condé, sur des nacelles et un pont de bateaux. Le commandant Delétoille, rentré de convalescence, est leur chef de corps.
Le soir le trouve dans un village appelé « Les grandes Loges ».
Le 13 septembre, il s’avance en brigade, précédé par le 77ème R.I. Ce dernier livre bataille à Livry contre un parti de fantassins allemands et un groupe d’artillerie. La marche reprend à midi vers Mourmelon-le-Petit. Au passage on fait quelques prisonniers, des trainards et des pillards.
Devant eux, Prosnes est encore occupé par l’ennemi. Il a entrepris de renforcer ses défenses en creusant des tranchées.
C’est là que nous allons laisser quelques instants notre régiment. Nous sommes à l’extrême nord de l’avancée des divisions de Foch. Le front va s’installer dans ces parages pour très longtemps. Prosnes va être pris puis âprement défendu. Ce village laissera son nom dans l’histoire de la grande guerre.



Le Petit Journal titre, en première page
«  Après la victoire de la Marne» : Le mouvement de retrait des Allemands continue
« L’état major allemand avoue sa défaite sur la Marne» : L’état major allemand s’est résolu à télégraphier un bulletin reconnaissant les succès de l’aile gauche des alliés.
« Le paquebot français Lutetia a échappé aux croiseurs allemands » : Ce fut une poursuite acharnée. Le paquebot français gagna de vitesse et arriva sans accident à Saint-Vincent.
 

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