vendredi 11 avril 2014

Feuilleton: Le 135ème Régiment d'Infanterie dans la guerre 1914-1918. Prélude à la bataille de la Marne



Prélude à la bataille de la Marne

31 août au 5 septembre 1914
Joffre regroupe ses forces

Le début du mois de septembre 1914 est caniculaire. Ce sera pour tous les fantassins français, impliqués dans une longue retraite, une suite de marches pénibles ponctuées de combats retardateurs. Il faut noter que les fantassins allemands parcourent les mêmes distances. Leur état d’esprit est sans doute meilleur, ils pensent marcher à la victoire mais, le soleil est le même pour tout le monde.
Les actions des 77ème et 135ème Régiments d’Infanterie se conforment à une stratégie générale. A Bièvre, c’était d’abord une offensive qui s’est soldée par une retraite. De Bièvre à Faux, puis de Faux jusqu’à la Marne et ensuite vers les marais de St-Gond, ce fut et ce sera encore une retraite ponctuée de combats retardateurs. 
L’épuisement est le mode de description qui convient le mieux à l’état général de la troupe. Les routes ont encombrées de convois de cuirassiers, d’artilleurs, de sapeurs qui tous se dirigent vers le sud, parfois à marche accélérée, parfois de manière très ralentie.
Entre le 31 août et le 6 septembre, le 135ème Régiment d’Infanterie va parcourir 150 km. Entre ses pertes et la récupération de compagnies isolées, l’arrivée de réservistes depuis différents dépôts, il finira par dépasser 4000 fantassins, plus ou moins aguerris. Ils sont toujours aussi lourdement chargés. Les pieds sont meurtris, les muscles très douloureux. Chaque halte est un bienfait mais il faut ensuite remettre en route leurs carcasses. Ils sont sales. Parfois une partie de l’équipement a disparu lors d’une charge ou d’une course sous les obus. Les anciens, ceux de la mobilisation, se comptent avec inquiétude. Les nouveaux sont moins jeunes. Ils ne pensaient pas être affectés en première ligne. Ils y sont.
Le gouvernement et les français savent désormais que la glorieuse bataille des frontières a été perdue par Joffre. Ils savent que les prochaines semaines vont être très critiques. Les Parisiens ont fui la capitale, bombardée par des avions légers. Les dégâts sont infimes mais l’effet est désastreux. Le gouvernement part pour Bordeaux.
Les principales armées allemandes qui s’avançaient d’est en ouest, au cœur de la Belgique ont brusquement viré à gauche. Elles avancent, inexorablement vers l’Aisne, qu’elles franchissent, puis la Marne et l’est de Paris.
Joffre attend son heure. Il regroupe ses divisions et envoie des avions observer la progression de l’ennemi.
Castor, Pollux et Jean-Baptiste n’ont aucune idée de la stratégie du généralissime. Ils marchent.
« Le mouvement sera couvert par arrière-gardes laissées sur les coupures favorables du terrain, de façon à utiliser tous les obstacles pour arrêter par des contre-attaques, courtes et violentes, dont l’élément principal sera l’artillerie, la marche de l’ennemi ou tout au moins la retarder » Joffre 25 août 1914, 22H.
Ils marchent, ils s’arrêtent, ils contre-attaquent, ils repartent.
Ils ont chaud, ils ont peur, ils ont faim, ils ont soif. Ils marchent.
A 5H00, le 31 août, ils ont quitté Seuil. Désormais les villages vont se succéder, jour après jour. La Neuville, Bignicourt, Juniville. L’ambiance du soir est plutôt au bivouac dans les bois. La soupe est aléatoire. Les cuistots se débrouillent.
Le 1er septembre, dès 6h00, 2 officiers et 98 hommes tombent sous les balles de l’ennemi. Réveil brutal et repli. On entre sous le couvert des bois mais, de 18H à 19H, un pilonnage intense cause de lourdes pertes aux éléments d’artillerie du régiment, trop visibles dans une éclaircie des bois.
C’est une nouvelle fuite en avant.
Les bataillons cantonnent, le soir, à St-Masme, Selles et Epoye.
Au cours de la journée, l’adjudant Gauthier réussit à ramener au régiment un groupe de 300 hommes, rassemblés après les combats de la veille. Il est immédiatement nommé sous-lieutenant.
Le 2 septembre est une journée de marche. A midi, ils sont à Sillery. Fait rare, ils peuvent se reposer 6 heures puis prendre en compte des cantonnements. Ils sont sur le qui vive, prêts à courir aux faisceaux.  Cette fin de journée est l’occasion d’une restructuration complète en 4 bataillons, rééquilibrés en hommes et en cadres.
Le 3 septembre, le régiment marche en tête de la 18ème division. On traverse, dans un incroyable encombrement de troupes, les villages de Beaumont-sur-Vesle, Verzy, Villers-marmery, Trépail, Ambonnay. Le 4ème bataillon marche jusqu’à Condé-sur-Marne où il garde le Train Divisionnaire.
Plus de 1900 réservistes arrivent alors des dépôts encadrés par quelques officiers de réserve. L’effectif n’a jamais été à ce niveau. Plus de 5000 hommes sont sous le drapeau du 135ème R.I.
Quelques officiers sont promus dont le sous-lieutenant de Bazelaire qui passe lieutenant. Il ne serait pas loyal d’oublier le lieutenant Holl qui passe capitaine, l’adjudant-chef Merle, l’adjudant Verrin, le maréchal-des-logis Favre qui sont nommés sous-lieutenants.
Le 4 septembre, toujours en tête de la 18ème D.I., le régiment passe la Marne et continue vers le sud. Il traverse Jalons, Champigneul, Rouffy, Villeneuve, Voipreux. Malgré une chaleur implacable, la crainte d’une attaque impose de marcher 5 heures sans une seule pause. Dire que les hommes sont épuisés est un euphémisme.
Les cantonnements s’organisent à Renneville et Villeneuve.
Près de 600 réservistes sont alors renvoyés vers les dépôts, les moins exercés. L’écusson du 135ème R.I. est accordé à tous les fantassins qui restent au corps.
Nous sommes le 5 septembre. Demain la bataille de la Marne va commencer. Demain est un autre jour. Personne, dans le régiment ne peut envisager une victoire et pourtant, ces troupes épuisées vont recevoir l’ordre de ne plus reculer et, si possible, de reprendre l’offensive. C’est impossible, inimaginable et vrai.
Pour l’heure, ils vont vers le sud. Ils pensent, un moment, s’arrêter à Clamange. La route d’Ecury-le-Repos à Pierre-Morains les sépare de la Division Marocaine. Repos, vous avez dit repos. Ce n’est pas encore le moment.
La progression se fait à partir de 17H00, vers Morains, Aulnizeux, Toulon-la-Montagne, plein ouest. On se tourne vers le nord. Derrière nos soldats existe une vaste zone de marécages, les marais de Saint-Gond, un peu comme s’ils avaient le dos au mur.
Les marais et le mont Août qui les domine au sud vont devenir célèbres dans les annales militaires. Des compagnies vont s’y engloutir pendant quelques jours avant que les Allemands ne commencent à reculer.
La première action débute en fin de cette journée du 5 septembre. Une batterie allemande stationne sans protection rapprochée dans le parc du château de la Gravelle. --------------->
Le Commandant NOBLET donne l’ordre à la 12ème compagnie d’attaquer à la baïonnette. Elle déboule sur les servants des canons, tue les chevaux pendant que le reste du 3ème bataillon contourne le château. Toute résistance cesse mais il n’est pas prudent de rester dans cette situation avancée. Le bataillon rejoint Vert-la Gravelle. Les Allemands réussiront à retirer leurs pièces d’artillerie avant le retour des français.
Le régiment occupe Vert-la-Gravelle, Toulon-la-Montagne et Aulnizieux.

Le Petit Journal titre, en première page :
« Armées du nord-est» : Dans la région de VERDUN, les forces allemandes ont subi certains échecs.
« Encore un paquebot allemand capturé» : Le Kronprinz Wilhelm était un superbe paquebot transatlantique … Il ne sera plus à craindre pour personne.
« Un incident relatif au Cardinal MERCIER de Malines » : Mis en demeure de démentir ses précédentes déclarations contre les barbaries allemandes, par l’ambassadeur d’Autriche à Rome, le cardinal Mercier s’y est refusé. …

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