dimanche 28 novembre 2010

Une anecdote concernant Maurice Couallier. Arènes de Doué-la-Fontaine.

On peut regretter, de nos jours, la platitude des articles de nos quotidiens régionaux. Il faut dire que la vie est bien moins trépidante dans nos villages. Les rubriques nécrologiques deviennent plus palpitantes que les faits divers, relatés d'un style monotone. Il y a quelques décennies, le moindre comice agricole nous valait une page entière d'anecdotes, des descriptions pittoresques, des palmarès d'anthologie. Celui des domestiques ruraux citait un Marcel Guémas, ouvrier de culture, 10 ans de service chez M. Tertrais, à Soulaire, une Marie Ménard, chargée de la basse-cour, chez M. Boré, à Tiercé (Ouest-Eclair du 6 sept 1938). Ces métiers ont disparu et les médailles de l'assiduité ne pourraient être décernées qu'au regard du nombre d'heures de présence dans les locaux du pôle emploi. Les taureaux de 1 à 2 ans, ayant 1 dent ou sans dent de remplacement n'obtiennent plus de médailles, quant aux pouliches de trait, elles n'intéressent plus que les boucheries chevalines.
A la fin des déjeuners, on donnait la parole à des poètes locaux, des orateurs au visage rubicond, au conseiller général ou au député. Ils prenaient des poses majestueuses, ajustaient leurs binocles, se raclaient la gorge et charmaient un auditoire conquis d'avance.
Ainsi, en 1938, à l'issue d'un déjeuner à Doué la Fontaine, un orateur raconte l'anecdote suivante aux convives du "Vin d'Anjou":
- ce souvenir remonte à 27 ans environ. C'était au lendemain de la découverte et de la remise en état des Arènes de Doué-la-Fontaine .... Pour celles là, j'avais obtenu qu'on mit au programme l'émouvant poème dialogué de Maurice Couallier : Au tombeau de Virgile... notre regretté compatriote, le grand acteur Duquesne ( Voir une photo de l'acteur, à droite, prise le 1er août 1909, à Doué-la-Fontaine, Ouest-Eclair)  avait accepté de jouer aux Arènes le rôle de Du Bellay. Il était arrivé le matin même.... nous nous étions donné rendez-vous à l'hôtel de la Boule d'Or....... Et quelle table! Chargée des reliefs d'un repas pantagruélique, parmi lesquels se dressait, fortement entamée d'ailleurs, une majestueuse motte de beurre voisinant avec une bouteille d'un des meilleurs crus d'Anjou............
Il me montre du doigt la motte à laquelle il venait de faire les plus larges emprunts. "Et ce vin? Quelle merveille! .......; Je me sens en pleine forme...."......
les premiers pas se  firent sans difficulté. Mais, à peine étions nous arrivés au milieu de la place .... " Je ne sais pas ce que j'ai, me dit-il, mais je ne me sens pas très bien...... C'est sans doute ce coquin de beurre qui ne s'entend pas du tout avec le quart de chaume!.......
Cinq minutes après nous étions, Duquesne dans sa loge, et moi, au premier rang des spectateurs, à côté de mon excellent ami Couallier, l'auteur de la pièce........
Duquesne vient d'apparaître sur le plateau. Rien dans son attitude ne décèle le combat intérieur dont je venais d'être le confident occasionnel.
Mais, dès qu'il ouvre la bouche, on s'aperçoit que la tempête ne s'est point apaisée......... Ce ne sont plus des alexandrins qu'il lance dans l'immense vaisseau des Arènes, mais des vers de treize, quatorze et même quinze pieds, cavalcadant dans une chevauchée désordonnée.
Je sens la main de mon ami Couallier serrer nerveusement mon bras:
"Mon texte! mon pauvre texte, me glisse-t'il à l'oreille d'une voix désespérée. Que va-t'il en rester, si cela continue?
Fort heureusement, cela ne continua pas. Une trêve étant intervenue entre le beurre et le vin.....
Quant aux critiques, ils mirent sur le compte de l'émotion ............ les hésitations qui s'étaient, au début de la représentation, manifestées dans la diction de l'incomparable comédien.
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La question que je me pose est la suivante:
"Y aura-t'il, dans les comptes-rendus des manifestations du téléthon, du repas des anciens, des cinquante marchés de Noël de cette fin d'année, du concours de belote des pompiers, matière à de telles envolées 
mélodramatiques?"

Imaginons: "Lors du marché de Noël de Brissarthe, en ce dimanche 5 décembre 2010, tous les marmots du bourg, en joyeuse ribambelle, chaperonnés de près par des nurses attentives, caressaient du regard les monceaux de merveilles que les dames patronnesses avaient amoureusement confectionnés. L'éloquent abbé Machin, demanda le silence, pour rappeler à un auditoire ému, que la naissance divine ne devait pas être oubliée, ni galvaudée, au bénéfice de ce personnage virtuel qui masque de sa rouge corpulence l'évènement réel qui depuis deux millénaires est commémoré en ce jour. De timides applaudissements tentèrent de masquer l'impatience fébrile des bambins, sourds à ce beau discours. Le départ du curé libéra la marmaille et les consciences. Le vin chaud fit le reste et teinta de violet les trognes paysannes....etc..."

Oui, je sais!



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